C-A Marchand: Le Tango des concaves…et un joueur de l’Impact



D’entrée de jeu, je le confesse, j’ai depuis aussi longtemps que je me souvienne, rêvé de voir le Québec devenir un jour un pays souverain. Après deux référendums, je n’y crois plus vraiment mais bon, le rêve n’est pas tout à fait mort dans mon âme. C’est que je crois aussi en la démocratie, même quand elle ne répond pas à mes attentes. J’ai beau être profondément athée, je suis encore attaché au crédo : vox populi, vox dei.

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Oui, je suis souverainiste en mon âme et conscience. N’allez pas croire pour autant que je n’aime pas le Canada, bien au contraire. Je l’ai visité d’un bout à l’autre à plus d’une reprise au cours de ma longue carrière et j’y ai trouvé des gens formidables partout, même à Toronto. J’aime le football canadien et je suis fier de m’en faire un ardent défenseur. Il est beau « Notre » football. Pis oui, il est beau « Notre » pays.

Mais bon, je peux en dire autant des États-Unis et de tous les pays d’Europe, d’Afrique ou d’Asie que j’ai visités. Au fond de mon cœur, Montréal est, malgré tout, ma ville préférée et le Québec ma véritable patrie. C’est comme ça. L’amour, ça ne se commande pas. Abstenez-vous de tenter de me convaincre par des études économiques de tout acabit. J’aime le Québec de façon irrationnelle et j’assume.

Je fus un activiste militant au printemps de 1980 et j’ai même été de ceux qui ont formé le MÉOUI, le Mouvement Étudiant pour le Oui. J’ai grandi à NDG, que je prononce encore à l’anglaise. Je me suis battu dans les années soixante-dix pour me faire servir en français chez Eaton au Mail Cavendish ou chez Cantor Bakery au Côte Saint-Luc Shopping Mall. De jeunes Anglophones à bord de leur voiture m’ont déjà littéralement placé un bâton dans les roues de mon vélo à Hampstead pour me voir tomber en pleine face. Mon péché était d’avoir sur le dos un chandail aux couleurs des Nordiques avec des fleurs de lys. Je n’étais même pas un fan de l’équipe de Québec. C’était le chandail de ma blonde. Je ne le portais parce que son parfum en était imprégné. Oui, j’ai déjà été un grand romantique.

On se battait régulièrement avec les anglais dans ces années-là. Évidemment, c’était nos amis irlandais, qui fréquentaient la même école catholique que nous, qui partaient inévitablement la bagarre en voulant défendre leurs amis « frogs ». Combien de parties de hockey mémorables au parc Loyola où l’on s’affrontait joyeusement pour finir par se tapocher dessus. Tout le monde rentrait chez lui un peu amoché mais on y retournait volontiers le lendemain. On jouait au hockey. On se battait contre les Anglais. Eux se battaient contre les Francos et les Irlandais. Nos mères rechignaient. « Pourquoi tu y retournes? » demandaient-elles. Comme les ados de toute époque nous leur offrions notre sourire le plus niais. « Ce sont nos amis! »

 Que de plaisir! Je ne le dis même pas avec ironie. Nous avions du plaisir. Nous étions le Canadien et eux les méchants Flyers ou les virils Bruins. C’était, j’en conviens, une toute autre époque. J’en garde des souvenirs malgré tout impérissables.

J’ai grandi avec les anglophones dans l’ouest de Montréal et, vous me traiterez de masochiste, mais j’y suis toujours. J’ai probablement plus d’amis anglophones fédéralistes que d’amis francophones souverainistes. Ils feront semblant de fêter la Saint-Jean avec moi en me vantant le Canada. Bah, on boira de la bière et on se trouvera drôle même quand le ton montera juste assez pour que nos blondes nous rappellent à l’ordre. On chantera alors du Offenbach en harmonie. Pis du Neil Young tout juste après!

Je ferai semblant de fêter le 1er juillet avec eux tout en leur rappelant qu’ils sont aussi québécois que moi et qu’ils devraient avoir tout autant de raison que moi de ne plus faire partie du pays de Stephen Harper. On ne jouera pas au hockey, on ne se tapera pas sur la gueule et on terminera la soirée en chantant des chansons dans les deux langues, sans réussir à se convaincre. On aura tout de même du plaisir et hâte de se revoir prochainement pour partager quelques bières, de bonnes bouteilles de vin et de bons repas. On chantera du Neil Young et du Offenbach en harmonie. Pis quand le ton montera, nos blondes nous rappelleront à l’ordre. Je sortirai mon harmonica et on finira ça par un gros jam des « rock voisins ». Les deux solitudes coexistent très bien dans l’ouest de Montréal, plus que certains seraient tentés de le croire. C’est ce Québec-là que j’aime.

Ma ville est multiethnique. Ma patrie ne l’est pas moins.

Vous me traiterez de fou, mais je vous dirais même que c’est ce Québec là que j’aime plus que tout. Un Québec ou que l’on soit anglo ou franco, chacun en fait partie. Un Québec où l’on se fout du pays d’origine du voisin. Un Québec où chacun apporte sa propre couleur, ses saveurs et sa vision.

Un Québec qui, au fond, sait que Toronto est la ville maudite, celle qui se prend pour le nombril du Canada sinon du monde entier. Un Québec où tout le monde souhaite voir le Canadien battre les Maple Leafs, les Alouettes torcher les Argonauts et maintenant l’Impact triompher du FC Toronto. Dire que les gens de Québec croient qu’il existe une véritable rivalité avec Montréal. Elle n’existe que dans leur imaginaire. À Montréal, on s’en fout du village de Québec. On ne détestait pas les Nordiques, on les trouvait folkloriques. Sans plus. C’est Toronto l’ennemi. On aime haïr Toronto. Tout le Canada aime haïr Toronto. Et Toronto aime ça! Toronto s’en réjouit. Et tout le monde est heureux qu’il en soit ainsi.

Je vous raconte tout ça parce que je suis troublé par un malheureux incident impliquant un joueur colombien de l’Impact à qui deux sinistres préposés de la STM auraient refusé de vendre un ticket de métro sous prétexte qu’il ne s’est pas adressé à eux en français. Qu’ouï-je? Qu’entends-je? De grâce, dites-moi que ce n’est pas vrai!  Autant Don Cherry réussit régulièrement à attiser la flamme souverainiste quelque peu vacillante au fond de mon cœur, autant de pareils imbéciles parviennent à l’éteindre.

C’est encore pire quand je lis certains commentaires d’internautes anonymes qui condamnent le pauvre joueur d’avoir osé s’indigner de ce geste raciste sur son compte Twitter. Sous le coup de la colère il nous a tous traité de racistes. Qui est-il donc pour cracher sur notre bon peuple? Hmmm. Je comprends davantage sa colère que votre indignation collective de colonisés. Désolé, mais c’était sans en douter un comportement raciste et indigne. Un comportement qui porte ombrage à tous ceux qui se disent de vrais Québécois!

Je suis outré de lire les simples d’esprit lui suggérer de rentrer dans son pays en lui rappelant que le Québec vaut mieux que sa république de bananes et de marijuana! Le martèlement de casseroles vous aurait-il fait perdre la raison? N’en rajoutez plus, la cour est pleine. Un gros cave, c’est un gros cave. Qu’il soit de ma tribu ou non! Si vous souhaitez faire un pays avec les gros caves, de grâce excluez m’en. Je n’ai pas envie d’en faire partie. Ce n’est pas le Québec dont j’ai jadis rêvé. L’exil me paraitrait plus séduisant.

Je préfèrerais aller vivre ailleurs. Le sud de la France par exemple me conviendrait parfaitement. Malgré Marine Le Pen et sa gang de fêlés du Front National. Au moins en France, on peut s’engueuler sur des idées sans se chicaner. J’ai hâte de pouvoir en dire autant du Québec. Mais ce n’est malheureusement pas demain la veille. On n’aime pas la chicane au Québec alors on ne sait pas débattre.

Le Québec des ceintures fléchées, le Québec des supposés pur-laines me dégoûte autant que ce que l’histoire m’enseigne de velléités hitlériennes d’une supposée race aryenne pure et non diluée. Au cas où certains l’auraient oublié, nous sommes tous des bâtards. Je suis un Marchand dont la lignée paternelle remonte à Besançon, en Franche-Comté. Mais je suis aussi un Dumont du côté maternel, famille aux origines autochtones diffuses provenant de Cacouna (Ben oui, paraitrait que Mario Dumont et moi ayons des ancêtres communs).  Mais ça se complique. Ma grand-mère maternelle était une Lord, sa propre mère une Whyte. Oui j’ai aussi du sang anglais et écossais dans les veines.

Ma fille est née de mon union avec une Irlandaise originaire de Belfast, mais qui a grandie dans le Midwest américain, en Indiana. Vous lui demanderez juste pour rire si elle est Québécoise, Américaine ou Irlandaise! Elle saura vous répondre en québécois, en anglais, en gaëlique, en espagnol ou en allemand! Bref elle saura vous envoyer paître en plus d’une langue et je n’en suis pas peu fier!

Vous ai-je dit que ma fille est fiancée à un Mexicain, qu’ils vivent maintenant à Cincinnati, mais qu’ils aimeraient bien s’installer à Montréal et vivre au Québec, une patrie que tous deux adorent?

J’ai déjà dit que rien n’est plus émouvant que de voir la fièvre des séries s’emparer de Montréal et soudainement de discuter avec des chauffeurs de taxis sénégalais qui sont exaspérés par Scott Gomez, des serveurs de restos thaïlandais qui vous expliquent les problèmes de l’attaque à cinq du Tricolore, des commis de magasins argentins qui questionnent la petite taille de nos attaquants.  J’adore me promener dans ma ville et vous entendre, peu importe votre religion, votre race, vos origines ethniques, émettre vos opinions sur le Canadien, les Alouettes ou l’Impact. J’ai envie de pleurer quand de surcroit vous me dites, même avec un accent étranger, combien vous déplorez la perte des Expos. C’est ça Montréal. C’est ça le Québec dont je rêve depuis toujours.

Vous êtes tous de vrais Montréalais. Vous êtes tous d’authentiques Québécois. Vous l’êtes surtout beaucoup plus que les deux ploucs de la STM qui se sont offusqués de voir un athlète d’origine colombienne tenter d’acheter un ticket de métro dans une langue autre que celle de Pierre Falardeau. Ces deux idiots-là ne sont pas de vrais Québécois.

Ce ne sont que des cons. Ce ne sont que des caves. Ce ne sont que des cons-caves. Comme dirait Plume, y a rien à faire avec eux autres. On ne bâtit jamais un pays autour des idiots du village.

Bonne Saint-Jean! Moi je ne sais plus si j’ai envie de célébrer.