C-A Marchand: J'aime le Stade olympique!

J’aime le Stade olympique et je ne m’en excuse pas. Quand je lis ou j’entends qu’il faudrait le démolir, ça me choque et me rappelle à quel point nous sommes parfois un peuple de moutons et d’ânes bâtés fort influençables. Il aura suffi d’un homme, qui rêvait de son petit stade de baseball au centre-ville (payé avec votre argent, bien entendu), pour nous convaincre que celui de l’avenue Pierre-de-Coubertin était désormais trop loin, trop laid, trop désuet et trop fragile.

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Depuis, il est de bon ton de vomir sur le Stade et son architecte Roger Taillibert. On en a eu une autre preuve cette semaine quand le toit d’un stationnement sous terrain a cédé sous le poids de la terre et des roches qu’on y a entassé pendant les rénovations du stade Saputo.

On se trompe de cible.

Le Stade est beau mais il l’aurait été davantage si dès le début des travaux jusqu’à ce jour la mafia, les gouvernements et l’ensemble de l’industrie de la corruption (ou est-ce de la construction?) n’avaient pas tout fait pour détourner l’argent qui devait lui être consacré, gonflant inutilement sa facture et empêchant qu’il soit complété comme il avait été conçu avec le toit rétractable imaginé par Taillibert et non celui bricolé par des apprentis sorciers.
            
Le Stade a coûté beaucoup trop cher mais ce n’est ni la faute de Taillibert, ni celle de Jean Drapeau. Le Stade a coûté trop cher parce qu'il a été bâti par des voleurs qui étaient des gens bien de chez nous. Ce n’est pas le Stade qu’il faudrait mépriser mais tous ces gens qui en ont détourné les matériaux et les fonds pour se bâtir des maisons, des piscines ou des salles de bain!
            
Le Stade est devenu un symbole du paysage montréalais au même titre que la Tour Eiffel pour Paris. En passant, au début du XXe siècle, il était chic pour les intellos parisiens de réclamer la démolition de l’œuvre de Gustave Eiffel parce qu’elle était monstrueuse et qu’elle défigurait la ville-lumière, rien de moins.
             
J’ai vécu des moments mémorables au Stade olympique. J’étais parmi les 73 000 spectateurs lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de la XXIe Olympiade. J’y ai vu des spectacles inoubliables dont ceux de Pink Floyd, Emerson Lake & Palmer, Diane Dufresne et des Rolling Stones. J’y ai vu Mike Schmidt des Phillies et Gary Carter des Expos s’y livrer des duels palpitants dans la course au championnat de 1981. Malgré la pluie de septembre, un froid de canard et l’absence de toit, nous étions plus de 50 000 à avoir assisté à un fabuleux programme double qui s’était éternisé. Même ceux qui, comme moi, habitaient dans l’ouest de la ville, avions le cœur léger dans le métro bien que, de mémoire, les Expos avaient divisé les honneurs du programme double. J’étais là quand au début des années 80, le défunt Manic de la NASL attirait des foules qui pouvaient attendre 63 000 spectateurs enthousiastes et soudainement fanatiques de soccer.
            
Je revoyais cette semaine sur ESPN Classic, le match de la Coupe Grey de 1977, présenté par un froid sibérien. J’y étais et j’en garde un souvenir impérissable. Montréal était paralysée par une tempête de neige et par une grève du transport en commun. Nous étions malgré tout plus de 68 000 spectateurs à avoir été témoins de la victoire des Alouettes face aux Eskimos d’Edmonton. Les gens étaient venus en motoneige, en ski de fond ou à pied.
            
J’aime le Stade mais je déplore l’état dans lequel nous l’avons abandonné. J’ai l’impression que nous avons confié un bel édifice à des souillons, rien de moins.
            
L’automne dernier, lors de la demi-finale de l’Est entre les Alouettes et les Tiger Cats, j’ai été dégoûté par l’état des lieux. Le Stade était crotté. Dans les allées, il y avait encore des taches de boissons gazeuses renversées plusieurs mois auparavant. Partout, la poussière s’accumulait. Le Stade n’a pas besoin d’être démoli ou repensé. Il a besoin d’un grand ménage. Il a besoin d’entretien. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer à quoi sert la RIO? C’est bien beau de s’adonner à des exercices d’onanisme intellectuel pour redéfinir la vocation du Parc olympique, mais encore faudrait-il s’assurer de passer le balai et remplacer les ampoules brûlées une fois de temps en temps. Il faudrait aussi s’assurer que lorsque les voisins rénovent, leur chantier ne mette pas en péril les structures existantes.
           
J’aime le Stade, mais je déplore que nous ne soyons pas plus nombreux au Québec à l’aimer. Je ne sais pas pourquoi on s’obstine tant à le haïr notre Stade pour les mauvaises raisons. Je sais toutefois que je ne confierais jamais la gestion de ma propriété à la RIO.