Charles-André Marchand - Les grincheux et le Grand Prix!



Je l’ai souvent répété sur toutes les tribunes qui m’ont été offertes depuis le début de ma carrière dans les médias et je vais le réitérer une fois de plus, n’en déplaise à certains, le Grand Prix du Canada, c’est mon Noël à moi. Jeudi matin, j’étais à Lennoxville au camp des Alouettes et je devais y rester jusqu’à la fin de la séance d’entraînement vers midi. Ma passion pour le football est bien connue et pourtant, vers 10 h, je ne tenais plus en place. J’étais comme un enfant qui n’en peut plus d’attendre avant de déballer ses cadeaux.

J’avais hâte d’aller chercher mon accréditation pour le Grand Prix, encore plus hâte de me retrouver sur le circuit Gilles-Villeneuve. J’ai donc faussé compagnie aux Alouettes pour filer vers Montréal à toute vitesse. Quand, aux alentours de midi, je me suis retrouvé près du bassin olympique, je me suis vite senti dans un état de grâce, comme un enfant qui admire la montagne de cadeaux sous le sapin de Noël un 23 décembre. Je respirais l’air à pleins poumons comme un citadin qui se retrouve enfin à la campagne. Devant moi, elle était là cette somptueuse montagne de cadeaux que j’attends impatiemment chaque année.



Évidemment que je sais que les grincheux détestent aussi les montagnes de cadeaux, les sapins trop illuminés et tous ces symboles décadents d’opulence. Moi, j’aime ça. C’est probablement pourquoi je m’abstiens de leur envoyer des paniers de Noël. Je ne voudrais pas les insulter.

Le ciel était orageux lorsque les Formule 1 ont attaqué le circuit Gilles-Villeneuve pour une première séance d’essais libres, mais il est demeuré clément jusqu’à la fin de la deuxième séance. Les gradins, un peu moins remplis qu’à l’habitude pour les séances du vendredi, auront été épargnés par la pluie, ou presque, jusqu’à la fin de la seconde séance. Les bolides avaient tous regagné leurs garages lorsque les nuages se sont déchirés pour inonder la piste et annuler une séance d’essais du Challenge Ferrari. Mon Dieu a un moteur et quatre pneus et il est juste et bon. Vous me permettrez de lui rendre gloire.

Je trouve évidemment désolant de voir tous ces grincheux tenter de gâcher mon Noël et celui de centaines de milliers de fans de Formule 1. Je trouve un peu lassant d’entendre les jérémiades de ces paumés qui condamnent un événement qui injecte des dizaines de millions de dollars dans l’économie montréalaise, québécoise et même canadienne sous prétexte qu’il est fréquenté par les mieux nantis. Comme si le vœu de pauvreté devait être une partie intégrante d’une société plus équitable.

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 Je suis tenté de dire que c’est tant pis pour eux. Moi je ne suis pas né pour un p’tit pain et, j’ai beau être reconnu pour ma grande générosité, je n’ai pas envie pour autant de faire des sandwichs pour tout le monde. Ce n’est pas très chrétien de ma part et je ne m’en excuse pas. Je suis athée.

Je n’ai pas raté un seul rendez-vous du Grand Prix du Canada depuis 1978. En grimpant l’escalier du quai flottant qui relie le stationnement des médias et du Grand Cirque de la F1, au-dessus du bassin olympique, je me suis surpris d’espérer avoir encore la forme physique pour répéter l’exercice chaque année jusqu’à ma mort, même si j’étais voué à vivre jusqu’à l’âge de cent ans, bien qu’une telle longévité, que mes ennemis s’en réjouissent, me semble peu probable.

Comme à tous les vendredis du Grand Prix du Canada, mon rituel a débuté avec un petit espresso gentiment quémandé sur la terrasse du paddock de l’écurie Ferrari. Je vous le dis sans vergogne. C’est le meilleur espresso au monde. Je le déguste toujours avec un plaisir enfantin. J’ai beau boire la même marque à la maison à tous les jours dans une tasse de porcelaine, il n'a jamais aussi bon goût que celui que me verse la toujours très sympathique soubrette de Ferrari dans un petit verre de plastique. Cet espresso-là goûte le bonheur absolu. Allez donc comprendre pourquoi.

Perché dans la tour de contrôle, devant la ligne d’arrivée-départ, chaque année, dans le petit studio réservé aux annonceurs maison où j’ai le plaisir d’officier pendant tout le week-end aux côtés d’experts comme Jean-François Veilleux et Bob Constanduros, je suis en état de plénitude tous les matins de ce week-end consacré à la F1. J’observe les partisans qui s’installent dès l’aube et je les trouve beaux. Je me retiens parce que j’ai envie de leur crier que je les aime, que nous sommes des frères et des sœurs unis par la même religion. Ce sont, comme moi, des passionnés qui ne rateraient pas plus ce rendez-vous que ceux pour qui la Messe de Minuit, le Chemin de Compostelle, le voyage à la Mecque ou à Jérusalem sont des incontournables.

Rien au monde ne peut me rendre aussi heureux. J’ai vécu des Coupes Stanley, de Coupes Grey, des Olympiques d’hiver et d’été. Aucun de ces événements n’est comparable à mes yeux. Aucun ne me procure le même plaisir.

J’aime Montréal. J’ai eu la chance de faire le tour du monde et à chaque fois que je reviens dans ma ville je l’aime encore plus. Il y en a certes de plus jolies, de plus séduisantes, de plus grosses, de plus excitantes, de plus riches. Mais c’est encore Montréal que j’aime d’entre toutes. Je serais tenté de continuer à vanter ma ville, mais vous finiriez par croire que je souhaite en devenir le maire. Je laisse ça à Gérald ou à Denis.

 J’aime la Formule 1, ce n’est un secret pour personne. Et c’est à Montréal qu’elle resplendit plus que n’importe où ailleurs. Pilotes et membres d’écuries adorent y séjourner et je crois que nous pouvons en être fiers même quand des toutounes décident de s’exhiber dans le plus simple appareil, entre deux assiettes de poutines, pour rivaliser avec les pitounes dont elles décrient l’exploitation sexiste! 

Oui, j’aime Montréal et son Grand Prix. N’en déplaise à tous ces grincheux qui n’aiment pas ma ville, qui vomissent à l’idée que l’on puisse apprécier le foie gras, le caviar et le Champagne. Il ne me viendrait pas à l’esprit de vous empêcher de vous empiffrer de hot-dogs et de boire de la Bud Light en encourageant les futurs Nordiques de Quebecor. Ainsi va la vie, il y en a pour tous les goûts.

Montréal n’est ni la plus jolie, ni la plus laide. Elle n’est ni la plus chétive, ni la plus obèse. Montréal n’est certes pas la plus riche, mais ce n’est pas la plus pauvre. C’est ma ville, j’y suis né, j’y ai toujours vécu et j’y mourrai un jour. Le Grand Prix du Canada ne la rend que plus désirable à mes yeux.

Les grincheux, plus ou moins nus, ont beau vouloir faire de cet événement un symbole de tous leurs griefs plus ou moins justifiés, je m’en fous. Personnellement, j’aimerais que les p’tits gros et les p’tites grosses s’abstiennent de se dénuder à la face du monde, mais bon, à chacun son quinze secondes de gloire universelle.

Je préfère, et de loin, voir Montréal se prendre pour Monaco, ne serait-ce que le temps d’un week-end, que de prétendre être aussi opprimée que Bahreïn. Montréal, ce n’est pas Monaco me direz-vous et je vous le concède. Mais c’est certainement davantage Monaco que Bahreïn.

Évidemment que pour le comprendre encore faut-il être un jour sorti de son quartier.

Entre le tintamarre de casseroles achetées dans les magasins à un dollar et le mélodieux rugissement d’une F1, vous comprendrez que, pour moi personnellement, le choix me semble très clair. 

À chacun son Noël. Et paix sur Terre aux hommes de bonne volonté qu’ils disaient jadis naguère! Joyeux Noël!