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Atlanta 1996: Donovan Bailey devient l'homme le plus rapide du monde et double médaillé d'or

Les deux médailles d'or remportées sur piste par Donovan Bailey à Atlanta – au 100 m, établissant un record du monde de 9,84 secondes, et au relais 4 x 100 m, lors duquel son équipe (Robert Esmie, Glenroy Gilbert et Bruny Surin) l'emporte devant les Américains en établissant un record du monde de 37,69 secondes – sont venues huit ans après «l'affaire» Ben Johnson à Séoul.

Bailey et Surin s'étaient fait remarquer en terminant premier et deuxième au 100 m des Championnats du monde en 1995, à Göteborg, en Suède. Ils n'ont jamais véritablement pu distancer le fantôme de Ben Johnson. Quiconque gagnait l'or à Atlanta serait en quelque sorte l'homme «rebond» sur le plan des relations. Les plaies étaient encore vives, peu importe si l'on croyait que Ben Johnson était un tricheur ou un bouc émissaire pour lequel les responsables de l'athlétisme et les politiques canadiens n'avaient pas levé le petit doigt.

C'était une succession complexe, mais ne pensez-vous pas que cette victoire du 27 juillet 1996 à Atlanta était spectaculaire?

La plupart des Canadiens en ont oublié la disqualification de Ben Johnson à Séoul. Puis, sept jours plus tard, la victoire de l'équipe canadienne au relais 4 x 100 m concluait sur une note parfaite ces excellents Jeux pour le Canada. L'emporter devant les Américains à cette dernière journée de compétition en athlétisme se révéla un bien joli pied de nez des Canadiens. Esmie, Gilbert, Surin et Bailey couronnaient ainsi ces Jeux d'été au cours desquels le Canada gagna 22 médailles, un record pour une année sans boycottage.

Cinq ans plus tôt, rares étaient ceux qui auraient pu prédire que Bailey placerait le Canada au premier rang de l'athlétisme sur piste. Il avait décidé de se consacrer à sa carrière professionnelle et de jouer au basket-ball au Sheridan College, à Oakville, en Ontario, où il a grandi. Au début de la vingtaine, un pincement au cœur le tenaillait et il se demanda s'il n'était pas en train de gaspiller son potentiel athlétique.

«Je travaillais pour Corporate Canada; tout allait bien», soutient Bailey lors de son passage à The Hour en 2009. «Mais j'étais épuisé... Les heures supplémentaires, les nombreux clients. Je voulais juste partir. L'athlétisme était comme un exutoire. Je voulais juste partir et faire quelque chose. Exercer mon cerveau et mon corps; graviter vers cela.»

Athlétisme Canada a en quelque sorte raté l'occasion de développer le talent brut de Bailey. Après avoir décidé de se consacrer au sprint, Bailey n'a pas été choisi pour représenter le Canada aux Championnats du monde de 1991 ni aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992. Il ne faisait pas non plus partie de l'équipe du relais aux Championnats du monde de 1993 à Stuttgart, en Allemagne. Par l'entremise de Glenroy Gilbert, il rencontra l'entraîneur Dan Pfaff, qui vit en lui les caractéristiques physiques d'un sprinter, cette répartition de la masse musculaire du 99,9e centile qui permet à un coureur d'atteindre 43 km/h. Pfaff refit Bailey.

À l'été 1994, Bailey savait qu'il était en mesure de battre les meilleurs. En juin de cette même année, il se classa quatrième à Rome tandis qu'il partageait la piste avec deux Américains ayant déjà détenu le record du 100 m : Leroy Burrell et l'ancien rival de Ben Johnson, Carl Lewis.

«Je gagnais à 80 mètres, puis je les ai cherchés du regard parce qu'ils m'inspiraient tellement de respect, expliqua-t-il plus tard. J'ai regardé une parcelle de seconde, un millième de seconde, puis ils m'ont dépassé, et j'ai terminé quatrième. Je me suis dit: "C'est assez, ils ne me battront plus jamais."»

L'effervescence médiatique d'Atlanta fit ressortir de vieilles polémiques sur Ben Johnson, la politique raciale, le Canada et le ressentiment canadien envers les États-Unis. Cinq jours avant la course de Bailey, Michael Farber du Sports Illustrated le cita en ces termes: «Le Canada est manifestement aussi raciste que les États-Unis. Nous savons que cela existe. Ceux qui ne ressemblent pas à des Canadiens n'obtiennent pas le même traitement. On vous associe au lieu de naissance de vos parents ou à votre lieu de naissance. Regardez notre [équipe du] relais. C'est problématique.»

«Est-ce que les Canadiens aimeront un athlète noir?, demanda-t-il. J'espère que oui.»

Ces propos provoquèrent un tollé et devinrent prophétiques. Bailey déclara avoir été mal cité. Michael Farber admit s'être référé à ses notes manuscrites et qu'un certain temps s'était écoulé entre l'entrevue avec Bailey et l'écriture de l'article en question.

La course qui devait couronner le roi des Jeux – cette traditionnelle consécration sur piste – faillit tourner au cirque.

Linford Christie de Grande-Bretagne est disqualifié en raison d'un deuxième faux départ, mais refuse de quitter la piste. Finalement, la course débute de façon réglementaire. Bailey, d'abord oscillant tandis qu'il s'élance de ses blocs, se retrouve rapidement cinquième, mais gagne en vitesse à mi-parcours. Puis, continuant d'accélérer, il dépasse les quatre autres sprinters à sa gauche.

«Il l'a eu!, lança Don Wittman de la CBC à la nation soulagée. Un nouveau record du monde pour Donovan Bailey et une médaille d'or!»

Ce moment était sien, et Bailey le saisit. Ayant vu Ben Johnson passer de héros canadien à Jamaïcain dans l'opinion publique, Bailey tenta de garder ce triomphe pour lui et son pays d'origine, ce qui généra un certain malaise.

«On ne parle même pas de partager avec la Jamaïque, déclara-t-il à l'époque. Je suis Jamaïcain, d'abord et avant tout. C'est mon pays d'origine, ma patrie. Vous ne pourrez jamais m'enlever cela. Je suis un sprinter canadien d'origine jamaïcaine.»