Le bonheur de Marc Trestman









Marc Trestman est un homme heureux. C’est la troisième fois qu’il signe un contrat avec Bob Wetenhall et les Alouettes mais jamais n’a-t-il semblé aussi serein, voire même ému,  à l’idée de renouveler ses vœux envers l’organisation qui lui a donné sa seule chance de devenir entraîneur-chef d’une équipe de football. L’homme est âgé de 54 ans, sa femme et ses deux grandes filles maintenant adultes sont bien installées à Raleigh en Caroline du Nord et la vie nomadique trop souvent associée à une carrière d’entraîneur de football semble désormais faire partie du passé.

«Je trouve ça très excitant. Je ne suis jamais resté aussi longtemps au même endroit dans ma carrière» reconnaît Trestman qui apprécie quotidiennement la chance que lui donne le propriétaire de l’équipe de pouvoir concilier la vie professionnelle et la vie familiale. Jim Popp s’empresse d’ajouter que même dans la LCF, il s’agit là d’un privilège exceptionnel. «D’autres propriétaires auraient dû mal à accepter un tel accommodement. Ce que Bob Wetenhall a fait c’est de permettre que ce soient les adjoints de Marc Trestman qui voyagent vers lui pendant la saison morte et non le forcer de travailler toute l’année de son bureau au Stade Olympique.»

Pour les Alouettes, cette prolongation de contrat assure aussi l’organisation que l’après-Calvillo se fera en douceur ou presque. Déjà Jim Popp a soumis à Trestman plus d’une dizaine de candidatures à évaluer au cours de l’hiver. «Peut-être qu’il trouve que je lui amène trop de candidats» rigole Popp. «Il réduit le nombre à trois ou quatre puis me demande de trancher.» Plus sérieusement, le successeur de Calvillo, que ce soit l’an prochain ou dans quatre ans, aura eu le loisir de bénéficier des conseils de celui qui est considéré des deux côtés de la frontière comme le plus grand gourou de quarts arrières qui soit.

Pas étonnant de voir plusieurs jeunes quarts étoiles promis à de grandes carrières dans la NFL avoir sollicité ses conseils à titre privé au cours des récentes années. Cette expertise-là est unique et en plus de s’assurer de continuer de bénéficier des services d’un coach qui a remporté deux fois plus de matches dans la LCF qu’il n’en a perdu, c’est aussi cette expertise que se sont achetés les Alouettes.

Le bonheur de Marc Trestman est palpable. Sa conjointe, venue passer une semaine à Montréal avec leurs filles pour l’occasion, rayonnait elle aussi. Ils aiment tous Montréal qui est devenue leur deuxième résidence après Raleigh. «Mon épouse connait Montréal mieux que moi parce qu’elle a plus de temps que visiter et magasiner» racontait Trestman en riant. Ce que n’empêche pas la petite famille de se retrouver dans un des bons restaurants de la ville lorsque le coach peut s’accorder une trêve bien méritée dans son horaire sinon spartiate d’entraîneur-chef des Alouettes.

Oui la famille Trestman est heureuse de ce mariage montréalais où chacun y trouve son compte. Papa exerce la profession qu’il aime le plus au monde, est probablement l’un des mieux payés des entraîneurs-chefs de la LCF, sinon le mieux payé (ce qui me semble plus probable), et ni son épouse, ni ses grandes filles n’ont besoin d’être déracinées ou privées de sa présence à l’année ou presque comme le sont la plupart des familles de coachs de football à travers l’Amérique.

Et si une meilleure offre lui était présentée, dans la NFL ou la NCAA? Trestman est trop malin pour tomber dans le piège de la spéculation qu’il laisse volontiers aux représentants des médias. Et il a raison. Il est convaincu d’être à Montréal pour y rester le plus longtemps possible. Il aime l’équipe, il a tissé des liens avec les gens de l’organisation, il aime les partisans de l’équipe mais est aussi tombé sous le charme de la ville malgré ses cônes orange, ses embouteillages et tous les inévitables désagréments d’une métropole. Mais qui peut vraiment prétendre connaître l’avenir? « Il y aura toujours des rumeurs. Quand une équipe connaît du succès, ses dirigeants font toujours l’objet de rumeurs. C’est inévitable. » prévient d’ailleurs Jim Popp.

La vérité c’est qu’il faudrait une offre impossible à refuser pour que Trestman décide de quitter avant l’expiration de son contrat. Ne vous leurrez pas, ce n’est pas aussi simple que ça. L’entraîneur-chef des Alouettes aime sa qualité de vie, il l’a souvent répété en entrevue. La vie de famille lui importe tout autant que sa vie professionnelle au football. C’est un homme frugal qui a fait suffisamment d’argent au cours de sa longue carrière sans se laisser appâter par des promesses mirobolantes. Rien n’est impossible et c’est comme ça mais vous me permettrez de douter que les astres s’alignent de sitôt pour donner envie à Trestman de renier l’entente qu’il vient de signer avec les Alouettes.

Yvon Deschamps s’est déjà posé la question au début des années soixante-dix. L’argent ou le bonheur? Bob Wetenhall, Jim Popp et les Alouettes ont permis à Marc Trestman de découvrir qu’il était possible d’avoir les deux. Or le bonheur ça n’a pas de prix…surtout quand on ne manque pas d’argent.