Euro - Analyse : Ciel orageux, bleu et généreux

Victorieuse de l’Ukraine à l’issue d’un match interrompu par un orage, la France voit sa route vers les quarts de finale s’éclaircir, tout comme l’Angleterre qui a battu et éliminé la Suède lors d’une mièvre rencontre dont les buts sont soudainement tombés du ciel.



Après la canicule contre l’Angleterre, la France a eu droit à l’orage contre l’Ukraine. L’arbitre néerlandais, M. Kuijpers, a même interrompu le match pendant près d’une heure. Il faut savoir qu’aux Pays-Bas, ils ne rigolent pas avec ces conditions et sont très prompts à arrêter une partie depuis 1984, année où Erik Jongbloed (fils de Jan, finaliste de la Coupe du monde 1974) trouvait la mort frappé par la foudre lors d’un match amical.

Le duel à Donetsk a opposé deux équipes voulant clairement la victoire, mais avec des animations de jeu très différentes pour y parvenir. La France a pris la partie à son compte, privilégié le jeu fait de passes courtes et exercé une grosse pression sur les défenseurs latéraux ukrainiens (principalement sur l’arrière droit Gusev).

L’Ukraine a défendu, certes, mais en laissant toujours pas mal de monde devant le ballon dans l’espoir de repartir rapidement dès la récupération de celui-ci. Elle a aussi défendu très haut, en laissant peu d’espaces entre les lignes et en gérant, à tout le moins durant une mi-temps, très bien la profondeur.

Cette façon de procéder, exigeante physiquement et qui demande beaucoup de concentration, a longtemps permis d’annihiler le jeu posé de Français qui ont dû profiter de coups de pieds arrêtés ou de pertes de balle ukrainiennes pour créer le danger. Piatov a retardé l’échéance, notamment grâce à deux excellents arrêts devant Mexès. Lloris est aussi responsable du score vierge à la mi-temps.

Comme contre l’Angleterre, Benzema a manqué de présence dans le rectangle où, souvent, ses équipiers n’avaient personne à qui donner le ballon, mais a apporté une importante contribution à la construction du jeu.

L’ouverture du score est en fait une accumulation de « contre-courants ». La France, qui s’évertuait à faire le jeu, a profité d’une perte de balle ukrainienne pour partir en contre. Ribéry, qui avait une nouvelle fois rechigné à effectuer son travail défensif, a profité de sa position pour remonter le terrain. Benzema, comme presque toujours en décrochage, était bien placé pour servir de relais. Par contre, la conclusion est l’œuvre du seul talent de Ménez.

Avec Benzema généralement loin du but, d’autres joueurs doivent s’infiltrer. Cabaye l’a bien compris sur le 2-0 et a su se placer idéalement pour rouler la défense ukrainienne et exploiter l’excellente passe de Benzema. Par la suite, la France n’a plus été inquiétée et a même connu quelques excellents passages « à l’espagnole ». Ça n’en fait pas pour autant un favori à la victoire finale, mais elle a été nettement plus convaincante que lors de son premier match.



Ce ne fut pas le cas de l’Angleterre qui a cependant battu la Suède et semble enfin avoir trouvé des ressources offensives. Le sélectionneur Roy Hodgson a décidé de titulariser Carroll, auteur du premier but des siens, a fait monter Walcott à l’heure de jeu, impliqué dans les deux autres, alors que Welbeck a donné la victoire aux siens d’un geste somptueux. Avec Rooney de retour de suspension, il aura l’embarras du choix pour le match contre l’Ukraine…

Heureusement qu’il y a eu les buts, car pour le reste, la rencontre a été d’un niveau d’ensemble assez affligeant, principalement en première mi-temps. Les deux équipes ont passé les 45 premières minutes à s’attendre : les Anglais, statiques, envoyaient de longs ballons que les Suédois, procédant beaucoup trop lentement, leur rendaient immédiatement.

Sauf que… Hodgson avait dit avant la rencontre qu’il voulait exploiter la faiblesse de la défense suédoise dans le jeu aérien. Cela explique ces longs coups de botte dans les airs. L’un d’entre eux, venu du pied de Gerrard, a été plus précis que les autres, et fut prolongé victorieusement par Carroll. Gerrard a non seulement trouvé des solutions quand son équipe était peu inspirée, mais sa vitesse d’exécution a aussi fait souffrir les Suédois quand ceux-ci ont cherché à égaliser en fin de match.

La deuxième mi-temps a été d’un meilleur acabit. La Suède a enfin commencé à voir les espaces laissés par la défense anglaise qui avait joué 45 minutes dans un fauteuil. À peine mise à mal, celle-ci a rompu, sur deux buts peu orthodoxes il est vrai. Mais elle remonte très mal sur le coup franc d’Ibrahimovic repoussé par le mur : le Suédois renvoie le ballon dans le tas d’un geste aussi fantasque que lui, le cuir arrive à Mellberg dont le tir dévié par Hart est propulsé dans son propre but par Johnson, qui annihilait déjà le hors-jeu.

Un autre coup franc a été à la source du second but suédois. Mellberg a été très intelligent puisqu’il a vu un espace quelques mètres à sa droite. Il a alors reculé pour contourner tout le monde et y plonger. Oui, la défense anglaise le laisse complètement seul, mais il faut surtout donner du crédit au Suédois là-dessus.

Hodgson a encore effectué un choix payant en faisant monter au jeu Walcott. À peine sur le terrain, il reprend un corner mal repoussé : Isaksson lit mal la trajectoire du tir et c’est 2-2. Le remplaçant a ensuite toujours pesé sur le jeu offensif de son équipe. Et suite à une de ses accélérations, il sert Welbeck qui reprend le ballon de la seule manière possible dans sa position difficile : une majestueuse talonnade.

Je parle surtout des buts car honnêtement, il n’y avait pas grand-chose à voir au cours de ce match qui sonne le glas des Suédois dans ce tournoi. Les trois autres équipes ont leur sort entre leurs mains : l’Ukraine doit gagner contre l’Angleterre qui, comme la France, pourra se contenter d’un nul pour passer en quart de finale.